Minimum Vital

Rock Progressif depuis 1982

Parlons Clavier avec Thierry

Thierry "Keyboard wizard"

Rien n’est plus subjectif que la 'sonorité' d’un instrument électronique. Dans le domaine des guitares, au-delà des différences de goûts, tout le monde arrive à peu près à se mettre d’accord sur la qualité de tel ou tel instrument (par exemple : la 'clarté' d’une Fender, la 'chaleur' d’une Gibson, …), mais en matière de synthétiseur, c’est bien différent ! Les avis sont très diversifiés, un tel qualifiant un son particulier de fabuleux, et un autre le trouvant parfaitement infect.

C’est qu’en la matière, du fait de la longue histoire de la lutherie électronique, de l’utilisation multiple qui en a été faite dans la musique populaire, des goûts personnels bien sûr, mais surtout de l’influence des modes, l’établissement d’un jugement objectif est rendu particulièrement difficile. L’exemple le plus parlant est sans doute le sort fait au début des années 80 aux instruments analogiques:

... à cette époque, et sans appel, ceux-ci furent en effet subitement qualifiés de "ringards" devant l’arrivée des 1ers instruments numériques (DX Yamaha en tête). Ils furent bientôt relégués en dépôt vente dans les caves des magasins de musique, à des prix dérisoires.

Puis, à partir du milieu des années 90, on les a vu revenir en force et trouver une place de choix dans le cœur des musiciens, sans doute lassés par la richesse quelque peu artificielle des instruments de la décennie précédente.

Les instruments "vintage" sont alors devenus de plus en plus rares et chers, et vont jusqu’à être "émulés" aujourd’hui par des calculateurs numériques, voire carrément re fabriqués (Moog, Korg). Comme quoi, ce qui est vrai à un moment ne l’est plus l’instant suivant.

Un autre aspect du problème est qu’on oublie trop souvent qu’une sonorité ne se juge pas seule. Un son ne s’exprime qu’à l’intérieur d’un contexte musical donné. L’exemple type est le son trop riche en harmoniques qui parait fabuleux tout seul, mais qui devient tout petit dans un mixage, alors qu’un autre son plus simple et bien placé pourra avoir une présence extraordinaire. Tout ça pour dire que j’ai fini par ne plus trop tenir compte des avis formulés par autrui sur les instruments électroniques et les choix de sons, y compris les miens. En matière d’avis, j’ai entendu tout et n’importe quoi…

Ce qui ne veut pas dire que mes propres choix aient été, ou sont encore, toujours très bon, loin de là ! Par contre, il est certain que ces choix ont toujours été faits dans un contexte particulier, pour un usage particulier, et à un moment particulier. Ils sont parfois de la plaque

… En faisant un petit tour d’horizon de quelques uns de tous les instruments que j’ai eu l’opportunité d’avoir entre les mains, je vous propose dans cette rubrique mes commentaires personnels, et donc parfaitement subjectifs et assumés, sur les qualités et les défauts des petits joujoux que voici:

Pour l'amateur éclairé des années 70's, l'entrée dans le monde fabuleux des synthétiseurs commence forcément par un ... monophonique. Comme son nom l'indique, un instrument monophonique n'est capable d’émettre qu'un son à la fois, ou plutôt qu'un son vibrant sur une seule fréquence. C'est aussi le cas d'instruments acoustiques comme la trompette, le saxophone, le haut bois, etc. Dans le cas du synthétiseur, le choix de la monophonie a longtemps été dû à une limite technologique : à la base, le synthétiseur est réalisé à partir d'un unique oscillateur, lequel génère une fréquence électrique. Cette fréquence subit ensuite une série d'ajustements et de transformations (par le biais d’enveloppes, filtres, etc.) pour aboutir à un signal musical. Jouer plusieurs notes, de fréquences différentes, en même temps, (en polyphonie, donc), implique de multiplier les oscillateurs. A l'époque pionnière où Robert Moog crée son premier modèle, cela aurait coûté beaucoup trop cher, même pour le plus fortuné des musiciens.

Mais ce qui peut paraître au départ comme une limite a fait au contraire du synthétiseur monophonique un instrument à part entière. En effet, on n'aborde pas de la même façon un instrument monophonique et un instrument polyphonique : le rôle du synthétiseur monophonique est de se "placer" dans la musique, par exemple dans le cadre d'une ligne mélodique (ou d'une ligne de basse), alors qu'un instrument polyphonique aura plutôt un rôle rythmique ou harmonique. Grâce à ce trait de caractère, le synthétiseur monophonique a poussé les musiciens à faire de lui le roi en matière de solo, thème, et effets sonores ... il suffit d'écouter les "cabrioles" de Rick Wakeman sur son Minimoog ou de Keith Emerson sur son modulaire pour s'en convaincre. Et, si on veut remonter encore un peu plus loin dans le temps, l’ancêtre français (et à lampes !) du synthétiseur, les "ondes Martenot", monophonique lui aussi, était utilisé pour des fonctions similaires (imiter la voix humaine par exemple)."

Vous avez dit « polyphonique » ? A l’époque, ce mot seul faisait rêver : vous vous rendez compte, un synthé capable de produire plusieurs notes à la fois, et jouer des accords ? Mais c’est dingue ! Il faut dire que, au milieu des années 70, cela tenait encore de la prouesse technique : multiplier les oscillateurs au sein du même appareil pour produire plusieurs ondes en même temps coûtait très cher en place et en circuits, et par voie de conséquence au porte monnaie… Ainsi le POLYMOOG (faux polyphonique fonctionnant avec le contesté « diviseur d’octave ») en a fait rêver plus d’un (y compris Rick Wakeman), mais aussi les fabuleux Korg de la série PS (de vrais polyphoniques, eux), comme le PS 3000, (demandez donc à mon ami Olivier Graal, qui en est l’heureux possesseur).

En 1982, quand nous commençons à nous équiper pour monter un groupe, le choix est difficile car nous sommes au tournant d’une époque en matière de lutherie électronique : les synthétiseurs commencent certes à se démocratiser, le numérique va bientôt émerger, mais les polyphoniques coûtent encore très cher (plus de 10 000 francs pour un Roland Juno 6), et mes moyens financiers sont maigres (comme ils peuvent l’être à 18 ans …).

Du coup, le rêve est purement et simplement abandonné, même si il s’en est fallu de peu pour que j’acquière un SK20 de Yamaha (je regrette encore aujourd’hui de ne pas l’avoir fait).

L’orgue est l’instrument qui m’a séduit depuis l’enfance, et notamment l’orgue liturgique. Je suis sous le charme de son mystère, de sa puissance, de sa capacité à évoquer un au-delà céleste ! Mais trimbaler un orgue d’église dans le coffre d’une voiture, ce n’est pas évident ! J’ai donc dans un 1er temps cherché du côté du roi des claviers des 70’s, à savoir l’orgue Hammond.

Bien entendu, au début des années 80, l’achat d’un tel instrument était pour moi complètement hors d’atteinte, et j’ai lorgné du côté des « émulations » que voici (l’orgue liturgique « numérique » est venu plus tard, mais c’est encore une autre histoire …) :

On pourrait dire que le Mellotron est le 1er sampleur de l’histoire. En effet, le principe d’un sampleur est d’enregistrer sur un support la ou les notes produites par un instrument réel, pour pouvoir rejouer ces enregistrements à partir d’un clavier. Dans le cas du Mellotron, il s’agit de bouts de bandes magnétiques parcourues par une tête de lecture. Et puis, beaucoup plus tard, sont venues les disquettes, les CDR, les disques durs, les carte SD et tous les autres supports virtuels que nous connaissons aujourd’hui. Ce principe a fait rêver de nombreux musiciens, dont Peter Gabriel notamment, qui a su en faire une utilisation créative, avec le coûteux mais légendaire Fairlight. Dans les années 90, le sampleur se démocratise, et se décline en de multiples appareils, dont les fers de lance sont ceux de EMU pour les américains, et de AKAI pour les japonais.

L’attrait pour le sampleur vient de sa possibilité de tout "avaler" pour permettre au musicien de piloter sous ses doigts tout ce dont il a envie (instruments, bruitages, etc.). C’est ce qui explique qu’il a rapidement envahi toute la musique, en gros entre 1985 et 1995, allant jusqu’à faire disparaître les batteries acoustiques des studios. Mais voilà, comme souvent, à se lancer trop vite dans une voie, on ne réalise pas qu’elle peut mener à un cul de sac. Comme beaucoup, je n’ai pas bien perçu de prime abord le principal défaut du sampleur : celui-ci n’est finalement qu’un "reproducteur" d’image sonore. Une image reste toujours semblable à elle-même, quoi que l’on fasse.

Même si on intègre dans l’appareil des paramètres de volume, de filtre, etc., l’onde "samplée" reste toujours identique. Ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité sonore d’un instrument réel, où sont mis en mouvement des phénomènes vibratoires extrêmement complexes. La même touche d’un piano, par exemple, frappée plusieurs fois de suite avec la même intensité, ne reproduira jamais tout à fait le même son. En effet la signature timbrale et harmonique de celui-ci subit constamment des variations subtiles dues à de nombreux paramètres acoustiques et matériels. Même un synthétiseur analogique ne produit en réalité jamais deux fois le même son, à de très petites variations près. Et justement, il se trouve que l’oreille est capable, même inconsciemment, de percevoir ces variations. Voilà pourquoi on fini par se lasser d’une utilisation trop intense des « samples » en musique.

De manière assez visionnaire, un musicien comme Keith Emerson avait dès le début des années 70 perçu ce problème : il avait décrété qu’il n’aimait pas le Mellotron (qu’il n’a effectivement jamais utilisé) car il ne faisait selon lui que reproduire la « photographie » d’un son, et ne méritait pas à ce titre le nom d’instrument …Malgré tout, voici, pour ce qui me concerne, les appareils que j’utilise :

J’ai longtemps tourné autour du piano, avant de m’y mettre vraiment … Certes, j’ai commencé à prendre des cours à 15 ans, mais à la maison, je n’avais qu’un orgue électrique à soufflerie de type Bontempi, ce qui me perturbait un peu pour mes exercices ! Ensuite, je suis parti dans la voie des instruments type orgue ou synthétiseur. D’où un gros décalage dès le départ, qui m’a posé quelques difficultés quand j’ai voulu aborder réellement l’instrument. Mais grâce à l’achat d’un 1er piano numérique en 1988 (le Roland H800), je me suis mis à travailler et j’ai commencé à écrire modestement quelques pièces pour piano. Par rapport à la composition de musique de groupe, la musique pour piano demande une grande rigueur,

une réflexion poussée sur la disposition et répartition des notes et des parties sur le clavier. On est dans le monde orchestral, et cela demande beaucoup de connaissance et de technique … que je n’ai pas forcément ! Mais, avec mes propres recettes, j’ai fini par élaborer une cuisine personnelle. Cela m’a conduit à concrétiser le projet Dans la maison vide, qui se présente pour l’essentiel comme une suite de pièces pour piano, à partir d’un thème commun. Si je mets de côté les pianos numériques, les instruments les plus représentatifs que j’ai côtoyé sont les suivants :